Emmanuel Gatti
Une esthétique du divers/l’atelier marin
Le domaine d’Abaddia est un territoire d’imaginaires en mouvement permanent de recréation naturel et culturel. Le site provoque l’intelligence et la sensibilité dans un sentiment du divers idéalisé issu de l’esprit d’un homme du 19e. La nature, l’océan, la géologie, l’architecture et surtout l’esprit d’Abbadia font « sensation d’univers » reliés et poétique.
C’est peut-être la notion d’exotisme au sens d’esthétique du divers ou de catégorie même du sensible tel que le définit Victor Ségalen dans son Essai sur l’exotisme que je retiendrai pour guider ma recherche. Cette perception permettant de relier et de découvrir la cohérence de l’exotisme du site.
J’envisage une « lecture du sentiment du « divers » du domaine par le prisme graphique et technique de mon médium gravé.
La géologie du littoral et l’architecture retiendront plus précisément ma recherche car depuis longtemps mon travail s’appuie sur le roc, la falaise et la grotte que je déploie en grands formats. L’architecture néo-gothique du château contient elle aussi une diversité de formes et motifs pourtant reliés au divers et à la géologie du domaine.
C’est un inventaire issu de la géologie et de son paysage naturel et culturel que je ferai dialoguer dans des planches gravées pour donner à voir une lecture personnelle de la totalité signifiante du domaine d’Abbadia.
Axes de recherches et de réalisations : Grands formats et coffret de gravures
J’envisage une première recherche sur la géologie et le paysage en travaillant de très grands formats de gravure sur métal. Le détail minéral comme l’ampleur du paysage marin et montagneux vont conduire la recherche graphique ; Falaise de flysch, piémont pyrénéen, érosion marine, sable et vagues marines donneront lieu à de grandes productions gravées jusqu’à 2 m de haut par 1m3o de large.
Mon deuxième axe de recherche consistera en la production d’un coffret en emboîtement de planches gravées illustrant plutôt le « microcosme et la relation de la géologie à l’architecture du château. Le monde minéral au sens large, motifs sculptés, romantisme néo-gothique, coquillages, légende ou notes écrites trouveront aussi leurs places dans la planche gravée. La légende écrite et l’idée d’inventaire d’une géologie du sensible reliant ce « divers » dans mon approche personnelle.
L’atelier marin :
La condition du projet est la mise en place d’un atelier de gravure en taille douce. Je possède évidemment l’ensemble du matériel, presse, outillage et bacs.
Je vais pratiquer en particulier l’eau-forte pour la réalisation des matrices de grands et petits formats. Toutefois je ne réaliserai sur place que les impressions des planches du coffret car les grands formats ne peuvent être imprimés que sur des presses imposantes à l’extérieur de la résidence et certainement hors du temps de la résidence elle-même. L’emboîtement sera à faire réaliser par un artisan relieur local ce qui me semble être une collaboration pertinente, riche.
Restitution et médiation.
La résidence donnera naissance à une exposition des grands formats et des planches séparés de l’édition. L’ensemble est très cohérent d’un point de vue visuel. Mes grands formats s’intègrent et se modulent très librement dans les espaces de monstration. Ces grandes impressions sur papier Arches se déploient en rouleaux et permettent de jouer en hauteur et largeur dans une scénographie précise.
Je mène depuis de nombreuses années des ateliers de gravure auprès de publics divers. J’ai développé une recherche pédagogique liée à ce medium extrêmement valorisant pour les stagiaires. Nous pourrions ensemble étudier des contenus d’animation en lien avec le propos de cette résidence. J’ai travaillé avec diverses institutions et écoles et je me considère depuis 25 ans comme un artiste enseignant.
Quelques pistes pédagogiques sont déjà possibles comme :
Technique : Pratique de la technique de la pointe sèche pour les enfants et/ou de l’eau-forte pour les adultes.
Thématiques : Bestiaire de l’architecture du château, paysage du littoral, parcours dessins et gravures dans le domaine, herbiers gravés du littoral basque...
Paysages intérieurs. Notion à partir de laquelle j’ai déjà construit un atelier pour des jeunes et qui entre en résonnance particulière avec l’univers d’Abbadia.
« puisque c'est au moment où se trouvent confrontés les deux versants irréductibles du divers que jaillit pour Ségalen l'image poétique »
Gilles Manceron in Préface à « Essai sur l’exotisme. » 1978.